Comment Covivio aligne-t-il sa politique financière à ses enjeux ESG ?

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Les enjeux financiers et extra-financiers convergent de plus en plus, sous l’impulsion des analystes, des investisseurs et de la réglementation. Pionnier dans l’émission d’obligations vertes (green bonds) dès 2016, Covivio détient aujourd’hui un portefeuille obligataire 100% vert, et tous ses nouveaux financements intègrent des critères ESG. Comment Covivio aligne-t-il sa politique financière et les enjeux ESG ? Réponses avec Paul Arkwright, CFO de Covivio, et Nicolas Moreau, Responsable de projets Développement Durable de Covivio.

Comment les liens entre la finance et l’ESG se sont-ils renforcés ?

Paul Arkwright : On observe depuis 4-5 ans que les acteurs de la finance font preuve d’engagements et d’ambitions ESG plus forts, avec une très nette accélération depuis 2022. Cela est dû notamment à un aspect réglementaire : les acteurs financiers sont aujourd’hui soumis à des obligations concernant leurs parts d’investissement dits « verts ». On pense par exemple ici au règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), qui vise, depuis fin 2019, à promouvoir la durabilité dans le secteur de la finance en Europe. Ce cadre réglementaire a permis de mettre en avant les fonds à investir dans des sociétés qui offrent les meilleures pratiques ESG, notamment en s’appuyant sur des trajectoires carbone vérifiées par des organismes tiers.
Le marché obligataire s’était déjà mis en ordre de marche, avec un boom des obligations vertes et un développement exponentiel en 15 ans, jusqu’à atteindre 60% des émissions obligataires dans l’immobilier en 2024. Les investisseurs ont pu s’appuyer sur des standards internationaux, notamment ceux de l’International Capital Market Association, permettant de structurer la définition du « vert ».

Nicolas Moreau : L’immobilier étant déjà très structuré et engagé sur les sujets ESG, les acteurs financiers sont donc très intéressés par ce secteur, leur permettant à la fois de répondre aux différentes règlementations et d’avancer dans leurs engagements environnementaux. Et cela s’est encore accéléré avec la Taxonomie verte européenne, qui donne une définition réglementaire d’un actif dit « vert ».

Paul Arkwright : C’est finalement un cercle vertueux qui se met en place. Le secteur immobilier, qui représente 40% des émissions de CO2, s’est mis en ordre de marche pour se décarboner, et se doit d’associer toutes ses parties prenantes, notamment financières, pour y parvenir. En parallèle, les acteurs financiers se sont aussi dotés d’objectifs environnementaux, et nous, acteurs de l’immobilier, pouvons les aider dans leurs ambitions.

Que mettez-vous en place pour aligner la politique financière de Covivio avec les ambitions RSE du Groupe ?

Paul Arkwright : Cela s’est fait en plusieurs étapes clés. Nous avons déterminé notre objectif de taux de certification dès 2010 et avons émis notre premier green bond en 2016. À présent, 100% de nos financements obligataires sont « verts », ce qui équivaut à environ 5 Md€ pour Covivio et Covivio Hotels. Au fil des années, nous avons ensuite mis en place des critères de définition de nos green bonds plus exigeants et ambitieux en s’appuyant sur des référentiels reconnus : certifications environnementales, taxonomie européenne, trajectoire carbone CRREM[1].
La seconde étape concerne la mise en place de critères ESG pour l’ensemble de nos financements et refinancements bancaires.
Concrètement, tous nos nouveaux emprunts corporate et hypothécaires en France disposent dorénavant de critères ESG, qui s’étoffent au fur et à mesure des refinancements et de l’ambition du groupe en matière d’ESG. On a ajouté dernièrement les critères de la Taxonomie verte européenne, notre trajectoire carbone à horizon 2030 ou encore les niveaux de performance énergétique de notre patrimoine.
Et les résultats sont là : la dette du groupe liée à des objectifs ESG est de 64% vs 38% il y a deux ans. Notre objectif est d’arriver à 100%, et cela se fera au fur et à mesure de nos refinancements.

Nicolas Moreau : Lors de l’émission de nos premiers green bonds, nous arrivions avec nos critères, validés par les investisseurs. Aujourd’hui, nous entretenons un vrai dialogue avec les investisseurs, qui nous challengent et nous poussent à toujours aller plus loin, à avoir une stratégie RSE ambitieuse et qui se renouvelle. Cela nous conforte à avoir une vision à long terme, à réfléchir sans cesse à l’évolution de nos objectifs et de notre portefeuille, mais aussi à réfléchir à l’intégration de nouveaux critères issus de notre stratégie RSE, comme la biodiversité ou des sujets plus sociaux demandés par la CSRD.

Paul Arkwright : Aligner la politique financière et les enjeux RSE du groupe, et ainsi offrir à ses parties prenantes un reporting lisible, c’est aussi possible grâce à une vraie rencontre entre les équipes de la direction financière et du développement durable, qui travaillent aujourd’hui main dans la main. L’ensemble des métiers de la direction financière sont maintenant concernés par les sujets ESG, que ce soit dans la mise en œuvre de financements verts, le suivi des capex verts, l’application de la CSRD, la communication de la stratégie ESG auprès de la communauté financière, etc.
Un exemple qui illustre parfaitement cela, c’est la construction de nos financements « verts » pour nos hôtels. Nous avons réfléchi ensemble aux indicateurs pertinents, au portefeuille qui répond à ces indicateurs, à son évolution dans le temps.

Quels sont les prochains sujets environnementaux qui impacteront la politique financière de Covivio ?

Nicolas Moreau : La biodiversité est l’un des sujets clés, qui a commencé à émerger il y a 2 ans, et qui commence aujourd’hui à être intégré par les investisseurs dans leurs analyses, en complément du climat. Elle constitue un enjeu majeur pour l’immobilier, avec des impacts financiers actuels et potentiels, et suscite une attention croissante de la part des locataires et des collectivités. Covivio a d’ailleurs déployé une stratégie nature et a publié son premier Rapport nature fin 2024.

Paul Arkwright : J’ajouterais que nos enjeux dépendent de nos classes d’actifs.
Comme nous sommes déjà proches de 100% de certifications environnementales sur nos bureaux, nous nous attachons à améliorer le niveau de certification en suivant la part d’actifs ayant un niveau supérieur ou égal à Very good (67% des bureaux aujourd’hui, vs. 52% en 2020).
Sur le résidentiel, nous avons opté pour une certification environnementale globale portant sur l’exploitation et, en parallèle, nous nous concentrons sur l’amélioration du niveau de performance énergétique et de DPE des logements.
Quant à l’hôtellerie, les relations avec les opérateurs sont clés pour atteindre nos objectifs communs. C’est pourquoi nous optons davantage pour le label Green Key qui se concentre sur l’exploitation des hôtels avec pour objectif de labelliser 100% de notre patrimoine Murs et Fonds d’ici fin 2025. La récente opération de remembrement murs et fonds d’hôtels en France et en Belgique va également s’accompagner d’importants travaux de rénovation, venant ainsi contribuer à l’atteinte de notre trajectoire carbone.


[1] Carbon Risk Real Estate Monitoring : outil permettant de fixer des trajectoires de décarbonation par actif.