Biodiversité : les acteurs de l’immobilier font partie du problème et de la solution

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  • Sylvie Gillet

    Directrice du développement et responsable du Pôle "Biodiversité & Économie", ORÉE

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68% de l’artificialisation des sols est due à l’habitat (CEREMA, 2020) et le secteur immobilier contribuerait à hauteur de 30% à la perte de la biodiversité mondiale (source : Business for Nature)*. Mais le secteur, qui fait à la fois partie du problème et de la solution, se mobilise de plus en plus. Explications avec Sylvie Gillet, directrice du développement et responsable du Pôle "Biodiversité & Économie", ORÉE

Quels sont les liens entre biodiversité et secteur immobilier ?

Sylvie Gillet : Concernant la biodiversité, les acteurs de l’immobilier sont au cœur de vraies « liaisons dangereuses ». Leurs métiers concourent à l’érosion de la biodiversité notamment par l’artificialisation des sols, la fragmentation des territoires, la surexploitation des ressources naturelles, la déforestation, les pollutions et bien sûr le changement climatique qui est l’un des facteurs de pression de la biodiversité identifiés l’IPBES qui est l’équivalent du GIEC pour la biodiversité. C’est donc un vrai défi qui oblige les acteurs du secteur à intégrer la nature dans tous leurs métiers et dans leurs chaînes de valeur. Il leur faut prendre de l’avance sur les sujets environnementaux et les intégrer dès la conception des projets pour mieux les reconnecter à la nature. Éviter d’avoir de l’impact sur la biodiversité ou réduire celui-ci est dorénavant un composant permanent de leurs actions. En agissant pour la biodiversité, le secteur immobilier respecte certes les lois (avec la séquence ERC), mais va aussi plus loin : il s’engage et innove en créant des écosystèmes urbains résilients. Pour cela, il a créé ses propres labels, souvent exigeants et qui garantissent la durabilité des bâtiments. Les architectes sont aussi une force de réflexion et de proposition pour faire bouger les lignes et considérer la nature comme un élément constituant, comme un matériau vivant. Pour faire simple, on doit considérer la biodiversité comme un vrai système dynamique que l’on peut tout simplement comparer à un vélo : pour avancer, il faut toujours pédaler !

Comment ORÉE accompagne-t-elle les acteurs de l’immobilier ?

Sylvie Gillet : ORÉE fédère un réseau d’acteurs engagés et les accompagne sur des thématiques environnementales majeures pour les intégrer dans leurs stratégies en coconstruisant avec eux, et en partageant avec des acteurs d’autres secteurs économiques, des bonnes pratiques, des méthodes, des expériences, des expertises techniques. Créer du lien et de l’émulation permet d’ajuster au mieux les ambitions, de faire du sur-mesure adapté à chaque projet, d’appliquer des principes innovants. Faire avancer les choses, c’est aussi ouvrir de nouvelles voies de réflexion et de construction et être force de proposition auprès des pouvoirs publics. La biodiversité est un sujet rassembleur qui a besoin de toutes les énergies. Le dialogue avec les parties prenantes (collectivités, bureaux d’études) doit aussi être le plus transparent possible pour que chacun ait la volonté d’avancer dans le même sens.

Pourquoi faut-il agir en faveur de la biodiversité ?

Sylvie Gillet : Le secteur immobilier travaille à créer une sobriété foncière et aussi sa propre résilience. Faire évoluer ses pratiques, c’est appliquer des techniques de gestion écologique, après avoir pris conscience de la fragilité des sols, et de leur capacité à se régénérer rapidement après une désimperméabilisation, et les considérer avec des usages différenciés. Intégrer la biodiversité dans l’immobilier implique de le faire dans tous les composants du secteur : matériaux, gestion de l’eau, services immatériels, bien-être, santé…  Le meilleur service que l’on puisse rendre à la nature c’est de laisser sauvage ce qui doit rester sauvage. Cette démarche fait aussi du bien aux habitants en leur évitant l’« amnésie de la nature », la coupure avec celle-ci. Mais attention aux fausses bonnes idées, comme sur la végétalisation par exemple, à intégrer à un programme cohérent pour un bâtiment. En renouant avec la nature, on renforce le bien-être de chacun, c’est un enjeu vital, et de nombreux exemples concrets viennent l’illustrer. On a découvert ainsi que les enfants qui jouent dans des cours d’école désartificialisées étaient moins malades que ceux qui jouent dans des cours bitumées, car leur microbiote se porte mieux au contact de la terre. De même, des patients qui sont à proximité de jardins, cicatrisent mieux. Quand vous intervenez sur un projet immobilier, il faut avoir une vision d’ensemble du territoire et de ses écosystèmes pour mieux les préserver avec des solutions réversibles de génie écologique, fondées sur la nature, et savoir laisser celle-ci en paix. Et n’oublions jamais qu’économiquement la moitié du PIB mondial dépend de la biodiversité (source World Economic Forum) ! Quand on sait que les services rendus par la nature sont gratuits, le calcul est vite fait. Le respect de la biodiversité est vital mais aussi rentable.


*https://www.businessfornature.org/sector/built-environment